vendredi 30 avril 2010

ROCK. The National, avant-première

Dans une petite douzaine de jours, The National publie son cinquième album "High Violet" chez le label culte 4AD, qui succèdera à leur très recommandable "Boxer" sorti en 2007.
Dans un music-business qui tournerait plus rond, ce groupe remplirait les stades à la place de Coldplay ou U2, et Matt Berninger, son chanteur, serait une star.

À l'écoute de la voix intense et profonde de Berninger, on imagine Johnny Cash toujours vivant et jouant avec un groupe de rock, ou Ian Curtis de Joy Division chantant encore de nos jours.
La qualité de la musique produite par son gang, mélancolique, classique mais racée, qui renoue avec la rigueur de la New Wave, mérite la reconnaissance du (grand) public.

En attendant la gloire mondiale - pourquoi pas cette année ? - The National aligne l'air de rien une discographie sans reproche, toujours à (re)découvrir.

Et en avant-goût de leur nouvel opus aux onze nouveaux titres, l'impeccable "High Violet" - en tout cas les quelques titres déjà entendus - qui sort donc lundi 11 mai, et écoutable en streaming sur leur site, le premier single "Bloodbuzz Ohio" est d'ores et déjà un immanquable de la saison, d'ailleurs disponible en téléchargement légal (et gratuit ) sur le site de "High Violet".

La vidéo de "Bloodbuzz Ohio" :

le site officiel de The National avec l'album en streaming

le site de "High Violet" avec "Bloodbuzz Ohio" à télécharger gratuitement

The National. "High Violet" (4AD) ♥♥

mercredi 28 avril 2010

PETIT ÉCRAN. Catherine Deneuve intime

Il n'y a bien que la chaîne arte pour nous réserver de tels moments : la rediffusion du documentaire "Belle et bien là", déjà programmé le 11 avril dernier, une heure et demie avec la grande Catherine Deneuve. Ou plutôt, en tête-à-tête avec la journaliste Anne Andreu, admiratrice de la dame de longue date.

La même Anne Andreu qui réalisa avec Claude Ventura la meilleure émission sur le cinéma jamais diffusée à la télévision, la mythique "Cinéma Cinémas".
Un gage de qualité pour ce rendez-vous-portrait, l'actrice se confiant rarement sur le petit écran. Et même si vous n'êtes pas un inconditionnel de la star, avec ce programme, c'est près de 40 ans du cinéma français et européen qu'on redécouvre.

Une dizaine de réalisateurs forment le film rouge de cette rencontre (Demy, Polanski, Bunuel, Truffaut, Téchiné, entre autres) et revisitent la carrière de celle qui est depuis longtemps la plus célèbre actrice du cinéma français.

Assez loin de son image de reine froide et distante, l'inoubliable interprète de "Belle de Jour" et du "Dernier Métro" impose son caractère et sa désinvolture vis-à-vis de son prétendu statut d'icône de l'écran.

De son parcours : "Je n'en tire aucune fierté."
Sa beauté ? "Jolie, peut-être, belle, ce sont les autres qui le disent."
La postérité et les récompenses ? "Tout ça, ça s'envole."

Un franc-parler qui s'explique par le gôut très fort qu'elle a toujours eu pour la vie, encore plus que pour le cinéma lui-même, ou les mirages et les strass du star-system.

Et, malgré sa pudeur naturelle, on la sent émue à l'évocation des souvenirs de sa soeur Françoise Dorléac disparue trop vite, des moments intimes vécus avec Marcello Mastroianni ou de sa relation tourmentée avec François Truffaut.

Toute une époque riche et hélas révolue de sa vie, et du cinéma...


Mais sa force est dans son énergie : malgré son incroyable carrière, elle regarde toujours devant : "Un projet, c'est mieux qu'un film achevé." Certainement une des raisons qui expliquent sa longévité dans le cinéma ... et aussi dans le coeur des cinéphiles.

En tout cas, ne manquez pas ce moment passionnant, riche de témoignages (Gérard Depardieu, Arnaud Desplechin, Benoît Jacquot) éclairant d'un jour nouveau "l'énigme Deneuve" sans l'expliquer complètement.

Les stars se nourrissent surtout de mystère...


"Catherine Deneuve, belle et bien là", un documentaire d'Anne Andreu de 90 mn, rediffusé le jeudi 29 avril à 14h45, le lundi 03 mai à 10h50 et le mercredi 12 mai à 00h50.
et tous les programmes sur le site d'arte

lundi 26 avril 2010

MUSIQUE. Male and Female. She & Him, Angus & Julia Stone


À chaque printemps, c'est bien connu : l'air résonne des trilles sonores poussées par les oiseaux qui forment leurs couples. Musicalement parlant, c'est un peu le cas, sur ces deux albums sortis très récemment.

Deux petites douceurs sonores,
où se mêlent les chants, plaintes et caresses vocales de deux couples d'artistes.

D'abord, "She and Him, volume two", le deuxième volet - après un premier opus en 2008 - de la rencontre de l'actrice américaine branchée Zooey Deschanel et du brillant arrangeur et guitariste Matt Ward, connu pour ses excellents disques de folk ouvragés sous le nom de M.Ward.

Certainement, une récréation pour lui, puisque le résultat en est un recueil ensoleillé de vignettes pop sixties, qu'on pourrait croire interprétées par les Mama's And The Papas, chantée d'une voix acidulée par Zooey Deschanel.

Volontairement anachroniques, ludiques et rafraîchissantes, ces bluettes légères s'avèrent sur la longueur vraiment un poil trop sucrées à mon goût. Un exercice mignonnet, qu'on ne rejettera pas non plus, vu la modestie de ses ambitions, d'autant que le jeu du guitariste Matt Ward est toujours aussi subtil.

Mais, en 2010, a-t-on vraiment envie d'un revival du genre désuet du doo-wop, style "Be My Baby" des Ronettes ?

Un chant d'oiseau décidément trop ... volatile, excusez, ça m'a échappé.

She and Him. "Volume Two" (Double Six)

Avec Angus & Julia Stone, on a affaire, non pas à un couple, mais à un duo frère et soeur qui chantent ensemble.

Ces deux Australiens publient ces jours-ci leur deuxième album "Down The Way", un disque au son folk-pop/soft rock soigné (beaux arrangements de cordes) et accessible qui devrait leur valoir quelque succès grand public.

Leurs voix se mêlent parfois sur certains titres (On The Road, Walk It Off), mais le plus souvent, on entend alternativement le frère au spleen paresseux, ou la soeur, entonner leurs complaintes folks.

J'avoue avoir un faible pour le timbre enfantin et troublant, quoique maniéré, de Julia, proche de chanteuses nordiques telles que Stina Nordenstam ou la douce Emiliana Torrini (And The Boys).

Alternant titres mainstream efficaces promis à envahir les radios (vous pariez ?) tels que "Big Jet Plane" ou "Black Crow", et complaintes dépouillées (I'm Not Yours, For You, le magnifique Draw Your Swords, sommet écorché du disque), l'album, semble d'abord presque anodin avec ce son très classique, puis s'immisce peu à peu dans vos neurones et impose sa cohésion, sa simplicité, voir son recueillement serein.

Le disque n'échappe pas à certains moments plus neutres dûs à une volonté de toucher le plus grand nombre.
Mais les voix de ces deux frères et soeurs, plutôt inspirés, devraient vous conduire jusqu'à un été qu'on vous souhaite aussi éclatant que sur la photo de pochette de ce recommandable "Down The Way", mais sans le soleil australien, if you please !

Angus & Julia Stone. "Down The Way" (Discograph) ♥♥

À vous maintenant d'écouter ces oiseaux du printemps :


Deux vidéos pour le prix d'une, d'abord "Black Crow" chanté par Angus :

... et "And The Boys" chanté par Julia :

vendredi 23 avril 2010

LIVRES. Les Beatles de l'écriture, épisode 3


Feuilleton Beatles littéraires, la suite : on s'intéresse maintenant à l'équivalent côté plume, du fameux "troisième Beatles", le regretté George Harrison, au talent longtemps éclipsé par l'omniprésent duo Lennon/McCartney.

Mais, qui s'avéra avec le temps, être un excellent compositeur et musicien, amoureux de la culture indienne, et peut-être même celui des quatre de Liverpool au jeu le plus subtil.

Dans la peau, donc, du plus cool et mystique des Beatles, voici maintenant venir Ian McEwan :











Discret et modeste donc comme lui, McEwan partage avec George Harrison un tempérament introspectif, ainsi qu'une exposition médiatique discrète à ses débuts, puis une production à la maturité de plus en plus remarquable. La qualité de son oeuvre, d'une écriture d'une grande précision est absolument exemplaire, et témoigne d'une riche analyse psychologique.

La seule, mais notable, différence avec l'illustre musicien est la nature des thèmes abordés : là où Harrison chantait la plénitude amoureuse et spirituelle (Something, I Need You, Here Comes The Sun, My Sweet Lord), McEwan est d'une inspiration plus sombre et cruelle, et semble fasciné par l'ambiguïté et la déviance...

Ainsi, un de ses premiers livres, "Un Bonheur de rencontre", est le récit d'abord lumineux d'un amour sensuel à Venise, tournant au cauchemar pervers ; "Délire d'Amour" explore le cas d'un individu atteint du "syndrôme de Clérambault", fou amoureux d'un inconnu rencontré par hasard et qu'il pourchasse jusqu'à la folie.
Jusqu'à son dernier ouvrage sorti en 2008, "Sur La Plage de Chesil", le récit sans concessions, écrit au scalpel, du mariage promis à l'échec de deux jeunes mariés, dès leur nuit de noces.

Mais son chef-d'oeuvre reste "Expiation", paru en 2003, une somme romanesque d'un souffle puissant.
Le récit des conséquences d'un mensonge fatal de la jeune Briony : un livre à la construction complexe, aux multiples facettes, qui prend sens à la fin du livre.

D'abord hommage au roman classique anglais genre Edith Wharton, c'est aussi la peinture sociale d'une Upper Class britannique confite dans ses conventions, bouleversées par la Seconde Guerre Mondiale.
Puis un roman épique sur la guerre, d'une force d'évocation rare.

Pour devenir dans sa conclusion
, tout en abordant le thème de la faute et de la rédemption impossible, une brillante réflexion sur l'écriture.

Un roman magistral, adapté efficacement au cinéma par Joe Wright et avec la jolie Keira Knightley, sous le titre simplet de "Reviens-Moi", mais beaucoup moins subtil que le livre.

En tout cas, je ne saurai trop vous conseiller la lecture de la plupart des livres de cet auteur au talent insolent et original, malgré tout le soin que prend cet homme modeste à rester dans l'ombre.

Comme en son temps, ce bon vieux George "Hare Krishna" Harrison...

"Expiation" est disponible en poche chez folio Gallimard, ainsi que les autres oeuvres de Ian McEwan.

Sur la plage de Chesil : folio n° 5007, 192 pages, 6,10 €.
Expiation : folio n° 4158, 96 pages, 8,20 €.

Et bientôt, la conclusion avec l'épisode 4 final : qui sera donc Ringo Starr ?

mercredi 21 avril 2010

PETIT ÉCRAN. True Blood : du sang-neuf dans les séries ?

Vous en avez un peu assez d'être abreuvé de séries policières, hospitalières, judiciaires, ménagères, et tuttti quanti ? Pourquoi ne pas tenter une petite virée chez les vampires de La Nouvelle-Orléans avec "True Blood", saison 1, actuellement diffusée sur NT1 ?

Produite par la chaîne HBO, qui a créée parmi les meilleures séries américaines récentes (Les Soprano, Oz, Deadwood, La Caravane de l'Étrange), "True Blood" est le dernier bébé d'Alan Ball, scénariste du film "American Beauty" et surtout le créateur de "Six Feet Under", un must absolu et ma série préférée, également produite par HBO !

Son postulat est malin, bien que très fantaisiste : les vampires cohabitent avec les humains dans une petite ville de Louisiane grâce à l'apparition du True Blood, une boisson synthétique remplaçant le sang humain. Mais tous les vampires ne cherchent pas à s'intégrer, quitte à diviser une partie de la population contre eux, car une série de meurtres de femmes survient.
Tandis que Sookie, jeune serveuse télépathe (!) au café Le Merlotte's, y rencontre Bill Compton, un vampire troublant...

Malgré certains clichés dû à un public ados/jeunes adultes manifestement visé en priorité, et ceux véhiculés par le thème des vampires lui-même, style gothico-kitsch, la série se distingue d'abord par l'atmosphère si photogénique de la Louisiane, bien rendue par sa photo soignée et sensuelle.
Ensuite, c'est une série au rythme tranquille qui prend le temps de respirer, chose assez rare ces jours-ci. La verdeur de son langage, aussi est réjouissante, malgré une version française assez atroce, comme d'habitude.
On y retrouve surtout les préoccupations habituelles d'Alan Ball : c'est une série très travaillée par le sexe, la drogue, et la tolérance difficile entre les communautés (racisme, homophobie, vampirophobie ... heu, ça existe, ça ?)

Ainsi, Jason, le frère de Sookie, personnage très sexué qui passe quasiment son temps à s'envoyer en l'air avec toute la gent fémine qu'il croise ! Et l'attirance de Sookie - incarnée par la sexy Anna Paquin - l'ex-petite fille du film de Jane Campion "La Leçon de Piano" - pour son vampire, symbolise bien l'éveil sensuel de toute jeune femme, partagée entre désir et angoisse. Et ce, sans l'eau de rose et la pudibonderie mormonne des navrants livres et films "Twilight."
Sans oublier des mystères bien ... mystérieux : mais que symbolise donc Sam, le chien qu'on voit apparaître régulièrement au détour des scènes ?J'avoue que, pour divertissante et sympathique qu'elle soit, ne figurera pas, à mes yeux, dans les plus grandes heures de la fiction américaine.
Mais, malgré ses petites faiblesses et ses limites, elle a la mérite de nous proposer un cocktail original, parabole sociale mêlée de suspense, entre réalisme et fantastique. Un mélange qui réveille, plutôt stimulant et revigorant.

La bande-annonce :


Laissez-vous tenter, vous reprendrez bien une pinte de True Blood ?
Deux épisodes par semaine diffusés sur NT1, chaîne de la TNT, depuis le 31 mars dernier. Tous les mercredis vers 22h15.

lundi 19 avril 2010

MUSIQUE. La chasse au Caribou

Je vous invite de ce pas à la chasse au Caribou. Non, pas le placide herbivore canadien ! Une autre sorte de mammifère, mais plus difficile à définir et à débusquer : le musicien Daniel Victor Snaith, autrefois connu sous le pseudo de Manitoba, devenu depuis quelques années Caribou.

Un animal déroutant, docteur en mathématiques et surtout musicien. De dance. Électronique. Souvent instrumentale. Et expérimentale. Et addictive. Et réjouissante... Son dernier disque,"Swim" est d'ores et déjà une des belles réussites de ce printemps musical.

L'individu a déjà publié sous son nom de bestiole ruminante, deux albums distingués par la critique, "The Milk of Human Kindness" (2005) et "Andorra" (2007), ce dernier contenant un petit tube pop, "Melody Day". Si je suis un peu passé à côté de ces disques à l'époque de leur sortie, il n'en sera pas de même pour "Swim".

Le talent de cet homme n'a, à vrai dire, pas grand-chose à voir avec la dance-music grand public, genre peu fréquentable, qui n'a jamais été "my cup of tea".
Caribou serait plutôt un DJ style savant Cosinus, assembleur de boucles électroniques, chercheur fous de sonorités, et un Docteur Frankenstein créateur de morceaux à la texture sonore uniques. Tant d'évidence pop, de séduction immédiate et d'inventivité musicale sont bien le fruit d'un esprit défricheur indépendant.

"Swim" est un objet où l'on plonge sans hésiter, sans craindre la froideur de l'eau : en témoigne "Odessa", premier morceau assez irrésistible, à la rythmique implacable sur laquelle plane la bizarre voix douce et éthérée du musicien.

"Odessa" en vidéo :



Et "Sun", le deuxième titre, avec son titre répété indéfiniment, agit comme un hypnotique. Ainsi que le magnétique "Bowls", basé sur le son de bols tibétains, et ainsi de suite... En fait, on s'aperçoit au fil des écoutes que c'est tout l'album qui se révèle être un puissant stupéfiant. Un disque qui allie à la fois la rigueur, la précision d'une équation mathématique, et l'aspect changeant, évolutif et inconstant d'une solution chimique.

Un alchimiste ! Voilà en fait la vraie nature de cet artiste farfouilleur et obsessionnel (il peut passer près d'un an sur l'élaboration d'un morceau !) qui transforme le plomb de la dance en or musical.
Curieux mélange d'intellect et d'intuition pure, la musique de Caribou est à son image : très élaborée, mais complètement ouverte et accueillante. Comme un bain chaud, une source vivifiante, presque un liquide foetal...

Bon, n'abusons pas plus des métaphores aquatiques. Ou, juste pour conclure, qu'il est bon d'y barboter et de se laisser porter au gré de ses neuf réjouissantes plages.

Caribou. "Swim" (City Slang/Cooperative Music)    
Coup de coeur ♥♥♥♥ sorti ce 19 avril 

vendredi 16 avril 2010

MES POCHE SOUS LES YEUX. Bonjour Tristesse de Françoise Sagan

Deuxième étape de mon petit tour d'horizon de mes vieux livres de poche, piochés ici ou là, au détour des rayonnages.
Un livre retrouvé par hasard, relu un week-end à la faveur de nuits où le sommeil se faisait plus rare : "Bonjour Tristesse", le premier et plus célèbre des romans de Françoise Sagan.

Que raconte ce court roman ?
Le récit intérieur de Cécile, adolescente insouciante de 17 ans, qui vit depuis 2 ans avec son père quarantenaire : villa sur la Côte d'Azur, vie permissive avec sa maîtresse frivole pour le père, et vie oisive pour la fille, soudainement mises en danger par l'arrivée d'Anne, femme séduisante et brillante dont le père s'éprend.
Craignant alors de perdre sa liberté, Cécile ourdit, malgré elle, des stratagèmes qui lui feront découvrir, à la fin du récit " la tristesse, ce sentiment inconnu".

Sagan-la femme à scandales occulta trop longtemps Sagan- l'écrivain, et ce depuis le succès mondial de ce livre sorti en 1954, qu'elle écrivit à l'âge de dix-huit ans. Sagan, qu'on oublia même un peu vite après sa mort en 2004.
Un biopic récent, assez bâclé, de Diane Kurys a eu le mérite de ranimer sa figure dans la mémoire collective.

... La bourgeoisie, le succès, l'argent, les casinos, la vitesse, l'insouciance, toujours l'argent, la vie nocturne, toujours les casinos, encore le succès, un bafouillement qui sort d'un visage caché sous une frange, les excès, moins de succès, le manque d'argent, la drogue, les "affaires", la ruine, la solitude, la vieillesse : autant de formules-clichés qui marquent la vie de l'auteur, sans toutefois bien cerner le personnage.

Ce qui marque le plus à la relecture de "Bonjour Tristesse", c'est que dans ce premier livre, Sagan était déja entièrement là : une maîtrise de la langue française évidente et la distinction de son style souple faussement classique.

D'une part, son goût pour la jouissance et la sensualité, les plaisirs matériels, la paresse et un détachement ironique un peu snob. Sans aucun jugement moral, ce qui choqua beaucoup dans ces prudes années 50.

Et de l'autre, une maturité d'esprit, une clairvoyance sur les douleurs de l'amour et la complexité perverse des rapports humains, assez stupéfiants pour une si jeune femme. Comme la constatation de l'amertume fondamentale de la vie, et l'impermanence de tout ici-bas.
Ce qui justifie son hédonisme forcéné, le besoin de jouir des êtres et des choses le plus vite possible, avant que tout finisse mal.
Pas si légère, la bourgeoise qu'on disait frivole...

Une vraie figure d'écrivain sous-estimée, au talent brillant, aux dons trop faciles peut-être à ses yeux, qu'elle dilapida avec une désinvolture suprême : son argent évidemment.

Mais aussi son énergie, vivant la nuit, publiant beaucoup (Un Certain Sourire, La Chamade, Aimez-Vous Brahms?, parmi les meillleurs), s'adonnant au jeu, dormant peu, s'abîmant dans les drogues et les rencontres improbables.
Comme une cigale profitant de tout avant une fin d'été inéluctable...

En tout cas, une amoureuse des livres, des mots et de la littérature, grande lectrice - admiratrice de Sartre, Tennessee Williams, et Proust avant tout - qui, avec sa célèbre petite musique, ce "ton Sagan", sut habiller d'élégance son spleen profond, et celui de ses lecteurs par conséquent. Comme une petite cousine française de F. Scott Fitzgerald.

Pour partir à la découverte de Sagan, je ne saurai trop vous conseiller la lecture de la biographie enlevée, à la fois tendre et sans concession sur le personnage, écrite par Marie-Dominique Lelièvre : "Sagan à toute allure" (Denoël et en poche chez Folio Gallimard).

D'une lecture riche et vivante, il fait revivre une femme complexe et attachante, qu'il ne faudrait pas masquer sous les clichés, et encore moins délaisser à nouveau...

P.S. : avis au visiteur, en passant, qui s'aventure sur mon blog... N'hésitez pas à laisser le moindre petit commentaire quelqu'il soit, sinon c'est moins drôle !

photo du livre : Blake.

mercredi 14 avril 2010

FESTIVAL. La Rochelle fait son cinéma

Depuis quelque temps, on en découvre un peu plus chaque jour et il se dévoile petit à petit... Quoi donc ?
Le programme du 38ème Festival International du Film de La Rochelle !
Rendez-vous immanquable des mordus de pellicule qui se tenait fin du mois de juin chaque année, il a désormais lieu quelques jours plus tard, du 2 au 11 juillet prochain, pour mieux se caler sur les vacances des enseignants, grands amateurs de la manifestation.

Manifestation, qui, soit dit en passant, représente le deuxième Festival de cinéma en France, en terme d'importance et de fréquentation, juste derrière celui de Cannes.

Mais, ici, pas de paillettes, de peoples médiatisés, ou de montée des marches télévisée...
Juste le plaisir de voir le vieux port de La Rochelle se transformer pour dix jours en Mecque des cinéphiles. Créé par le journaliste Jean-Loup Passek en 1973, le Festival est désormais dirigé depuis quelques années par un duo féminin : Prune Engler et Sylvie Pras.

... Lesquelles vous croiserez sans peine, au hasard des projections et des rencontres entre les salles de La Coursive ou du futur cinéma Le Dragon rénové.
Car, dégagé de toute compétition ou rivalité stériles, le Festival est d'abord un lieu de rencontres, où programmatrices, créateurs, acteurs, journalistes, sont accessibles aisément. La découverte et l'échange constituent tout le sel de ce moment-clé de la saison cinéphilique, parfois pointu mais très vivant.

Depuis mes neuf ans de fréquentation du Festival, quelques souvenirs au hasard :
- des rencontres souvent chaleureuses avec des actrices célèbres ou de grands réalisateurs (Anna Karina, Bulle Ogier, Roman Polanski, Jean-Paul Rappeneau)
- des films rares restaurés (Murnau, Louise Brooks, Jacques Tati)
- des rétrospectives de classiques américains adorés (Mankiewicz, Minnelli, Huston, Ford)
- des oeuvres du monde entier (les nouveaux films asiatiques)
- des films d'animation réjouissants (Isao Takahata, Paul Grimault)
- des soirées exceptionnelles comme les soirées "Retour de Flamme" de Serge Bromberg et autres soirées d'avant-premières
- des rencontres passionnantes (se retrouver à poser une question à Juliette Binoche, un grand souvenir)
... et la rituelle Nuit Blanche de clôture (toute une nuit avec Marlene Dietrich ou Marlon Brando, pas mal, non ?)

Les plats de résistance du menu de cette édition 2010 :
ce devait être à l'origine une rétrospective en sa présence, c'est maintenant un hommage à Éric Rohmer ;
l'intégrale (!) du maître américain Elia Kazan, (fans de Marlon Brando de Sur les Quais et Un tramway nommé Désir, préparez-vous) ;
la nouvelle génération du cinéma indien ;
les grands films muets de Greta Garbo ;
mais aussi, à découvrir :
les oeuvres des cinéastes méconnus Serguei Dvorstevoy et Peter Liechti ; la venue du réalisateur roumain décalé Lucian Pintilié...
Et tant d'autres surprises encore, la programmation ne sera définitive que début mai.

Et on y découvrira, juste après leur sélection à Cannes, de nombreux films récents du monde entier en exclusivité.

Mais attention : la dernière édition a présenté 300 films à 71 299 spectateurs au cours de 380 séances sur 14 écrans ! Prière donc d'être en bonne forme pour prétendre courir ce marathon d'images, et d'établir un choix drastique (faute de temps) grâce à la fameuse grille papier fournie par le quotidien Libération. ...
Grille, qui, au bout de ces dix jours de dingues, ressemblera à un piteux chiffon informe couvert de ratures et de marques de Stabilo fluo !


DERNIÈRE MINUTE :
Voici l'affiche de l'édition 2010 qui, comme chaque année depuis 19 ans, est signée de l'artiste Stanislas Bouvier.

Une invitation à déjà rêver un peu, en attendant la soirée d'ouverture du 2 juillet prochain...



Connaissez-vous le Festival de la Rochelle ? Auriez-vous d'envie d'être festivalier si vous le pouviez ?

Vos impressions, positives ou non, sur le style et les choix du Festival après la consultation de la programmation en cliquant sur ce lien

lundi 12 avril 2010

RADIO. Merci Bernard. "C'est Lenoir" sur France-Inter

Oui, juste prendre le temps de dire merci à Bernard.
"Écoutez la différence", c'était un slogan d'une ancienne campagne de pub pour France-Inter. On ne trouvera pas mieux pour caractériser le programme qu'anime depuis plus de trente ans l'irremplaçable Bernard Lenoir.

Depuis sa première émission Feedback, juste à la fin des années 70/début 80, qui accompagna la période post-punk et l'arrivée de la new wave, la cold-wave et de la pop indépendante, jusqu'à son actuel programme quotidien C'est Lenoir, l'homme mériterait d'être "déclaré d'utilité publique" !
Découvert il y a des lustres à l'été 83, la voix et les programmes de Lenoir m'ont sauvé - comme un nombre incalculable de ses auditeurs, je pense - des tubes fabriqués du Top 50, des programmes formatés de la bande FM, et d'une certaine médiocrité variéteuse française.

Appliquant en France la même démarche de défrichage que celle de John Peel, DJ historique de la BBC, Lenoir a façonné le goût et les oreilles de plusieurs générations au rock et à la pop indépendante, construisant un lien indéfectible avec tous ces jeunes (et moins jeunes) pop-rock maniaques reconnaissants, bercés grâce à lui par Joy Division, The Smiths, The Pixies et autres Cocteau Twins...
... ou, en France, Manset, Dominique A, Yann Tiersen, Jean-Louis Murat, Miossec, parmi les artistes hexagonaux dont il est fan inconditionnel.

Découvreur infatigable, tête chercheuse au goût exigeant, il est le parrain du festival La Route du Rock de Saint-Malo, inspira leur vocation aux journalistes des Inrockuptibles - journal de référence qui, sans lui, n'aurait jamais vu le jour il y a vingt ans - organise encore régulièrement les "Black Sessions", concerts gratuits en public à la Maison de la Radio, les "White Sessions", des enregistrements d'artistes sans public, et compte dans son public, une certaine ... Françoise Hardy, auditrice assidue de son programme !

Indissociable de mon adolescence et fondateur de mon goût pour la musique, je l'ai pourtant un temps perdu de vue (ou d'oreille) quelques années, au détour des années 2000... Mais pour mieux le retrouver quelques 6-7 ans après, rempart réconfortant contre le formatage culturel intensif de ces dernières années.

Vous imaginerez donc mon plaisir quasi enfantin, quand récemment, j'envoyai un mail à l'émission au sujet de l'excellent groupe Musée Mécanique, pour savoir s'il passerait bientôt à l'antenne. Aussitôt dit, aussitôt fait : une chanson dans le poste, accompagnée de la lecture de mon mail. Une vraie distinction, plus importante à mes yeux qu'une légion d'honneur !

Blague à part, je souhaite longue route (du rock) à ce programme indispensable qui a accompagné ma vie et l'accompagnera, je le souhaite, longtemps encore : j'espère que la limite d'âge n'atteindra pas bientôt notre Bernard national.
Car la succession n'étant pas vraiment préparée, je vois mal une quelconque relève reprendre le flambeau indie. Ce jour-là, je prévois beaucoup d'auditeurs orphelins de cette heure quotidienne de "musique pas comme autres."
En attendant, merci vraiment, Bernard...

Allez, "caresses et bises à l'oeil" (formule rituelle "lenoirienne" de fin d'émission que les habitués reconnaîtront)


et le site de la route du rock 2010 avec, à l'affiche, à partir du 15 août, entre autres : Massive Attack, The National, Yann Tiersen, The Flaming Lips. Bref, rien que du bon.