Une surexposition médiatique, comparable à celle de "La Guerre est Déclarée", le film de Valérie Donzelli, partie d’un bon sentiment (l’emballement spontané de la critique) mais tellement intensive qu’elle a de quoi être contre-productive.
Film physique à la volonté "coup de poing", Polisse pourra emporter l’adhésion totale comme un rejet tout aussi entier, on y reviendra. L’idée du film a été inspirée à Maïwenn par un documentaire télévisé et nul doute que cet aspect a pas mal déteint sur le film. Mais il est une chose qu’on ne peut lui dénier malgré tout : l’énergie.
L’énergie de son regard qui veut embrasser tout le malaise social de notre époque (enfance maltraitée, pédophiles abuseurs, parents dépassés, policiers survoltés, moyens dérisoires).
L’énergie surtout de la troupe d’acteurs qui les incarne avec un engagement et une conviction qui en font le cœur du film.
Outre l'évidence de la présence d’un Joeystarr acteur, animal physique qui magnétise indéniablement l’écran, toute la bande d'acteurs, de l'excellent Frédéric Pierrot en chef de brigade humain au duo d’enquêtrices amies/rivales Marina Foïs-Karin Viard (cette dernière pénible mais juste), la cohésion et l’implication du collectif d’acteurs irrigue toutes les scènes du film, presque un documentaire en lui-même sur la vitalité actuelle du vivier des acteurs français.
Dans ce film constamment immergé dans la violence grandissante de notre société et le chaos personnel d’individus fragilisés (fruit d’un vrai stage de Maïwenn à la BPM), avouons que l’hyper vitalité des acteurs a pourtant du mal à supplanter l’aspect très sommaire de la structure du film qui tient plus de l’écriture télé.
Un enchaînement de séquences, l'une éruptive (souvent un interrogatoire) suivie du quotidien de l’équipe, entre besoin de décompresser et prises de bec répétés avec le chef hiérarchique. Et c’est là que le principe d’énergie peut, sinon se retourner contre le film, du moins en limiter sensiblement la portée.
Jusqu’à surligner l’émotion de façon insistante : fallait-il que la scène de l’enfant africain qui pleure dure jusqu’au malaise ou tellement souligner la gêne et l'empathie des agents séparant les enfants des parents dans le camp rom ? Une approche qui veut mettre les spectateurs dans sa poche digne des habitudes télévisuelles, et apparemment ça marche.
Ce qui fait ressembler le film à un pilote de série, tellement revoir ces personnages forts en gueule et intéressants (malgré les poncifs et stéréotypes) pourrait faire la matière d’un programme télé récurrent. On remarquera aussi que malgré son obsession de protéger les enfants, ceux-ci apparaissent trop souvent en arrière-plan d'un récit recentré sur l'étude du quotidien des enquêteurs.
Impulsif et effervescent, "Polisse" est le type de film qui ne devrait pas susciter de réaction intermédiaire : on devrait soit marcher et s’emballer pour la force d’une œuvre carburant à la sensation brute, soit tordre le nez et trouver très limite l’aspect, sinon simpliste, du moins simplificateur d’un film fonctionnant plus à l’effet choc qu’à l’analyse politique subtile.
Permettez-moi de me situer au milieu et de n’éprouver ni l’enthousiasme lu un peu partout, ni le rejet des chichiteux qui critiquent un film trop malin et empathique avec la police selon eux pour être honnête.
Juste déplorer la démagogie parfois gênante de l'ensemble, ses limites cinématographiques, mais d'éprouver un certain intérêt - de citoyen plus que de spectateur d’ailleurs - pour un film-dossier dressant souvent avec acuité un état des lieux parlant sur la situation de tension sociale et de chaos sous-jacent de notre pays.
Une photo d’époque assez fidèle prêtant au débat. Mais sûrement pas le grand film attendu sur les policiers et leur place dans la société, comme avaient su l’être en leur temps "L. 627" de Bertrand Tavernier ou "Le Petit Lieutenant" de Xavier Beauvois, les critiques s’en souviennent-ils ?
Mais qui parle encore de cinéma de nos jours ?
"Polisse" (France, 2011). Sorti le 19 octobre
de ♥ à ♥♥
Réalisation : Maïwenn. Scénario : Maiwenn et Emmanuelle Bercot. Directeur de la photo : Pierre Haïm. Montage : Yann Dedet et Laure Gardette. Musique : Stephen Warbeck. Production : Alain Attal/Arte France/Canal+. Distribution : Mars Distribution. Durée : 127 mn.
Avec : Karin Viard (Nadine) ; Marina Foïs (Iris) : Joeystarr (Fred) ; Nicolas Duvauchelle (Mathieu) ; Karine Rocher (Chrys) ; Frédéric Pierrot (Baloo) ; Maïwenn (Melissa) ; Naidrya Ayadi (Nora) ; Emmanuelle Bercot (Sue Ellen) ; Jérémie Elkaïm (Gabriel).
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